mercredi 10 février 2010

// DISCOGRAPHIE SONIC YOUTH




Composé de Thurston Moore, Lee Ranaldo, Kim Gordon et Steve Shelley, la jeunesse sonique se forme à New York en 1981. Rock Indé, Punk, No-Wave, Grunge, Noise-Rock et expérimentations font parties des différentes directions qu’a pris le groupe depuis ses débuts, et n‘a jamais cessé d‘être en avant-gardisme en matière de recherche sonore et de bruit (open-tunning, distortions, dissonances,…), car Sonic Youth le dit: « Le bruit, c‘est-ce que nous savons le mieux maîtriser. » (Kim Gordon).
La formation est régulièrement citée en tant qu’influence majeure par de nombreux musiciens. Jugé par vous-mêmes: David Bowie, Mogwaï, Nirvana, Pavement, Neil Young,  Breeders, Blonde Redhead,…

A l’occasion de la sortie de leur dernière enregistrement en 2009: The Eternal, j’ai bien envie de faire une analyse sur plus de 25 ans de carrière, et je tiens à préciser que même en tant que grand fan des 4 new-yorkais, je ne fait pas partie de ceux qui vénèrent une idolâtrie aveugle sur 10 minutes de larsens stridents en m’écriant : « ces types sont des génies !». Car même si Sonic Youth reste un élèment important de la scène underground américaine, il n’en demeure pas moins que le groupe ait également produit de moins bonnes choses.
Retour donc sur une discographie impressionnante, où je vais éviter de m’attarder sur les lives, compils, faces B, collaborations, et autres éditions deluxes (non pas que ce soit indigne d’interêt, mais ça me prendrais 15 ans !).



1982: Sonic youth (1st E.P.)

-Sortie en mars 1982 sur Neutral Records.

Ce disque n’est pas un album, à l’inverse de ce qui sera présenter dans le reste de cette (multi-)chronique, mais juste un EP 5 titres. Il est cependant important de le citer car c’est tout simplement la première pierre apportée à l’édifice Sonic Youth.
A la batterie, Steve Shelley n’est pas encore présent et c’est Richard Edson qui tient les baguettes, il ne sera d’ailleurs crédité que sur ce disque.
En tout cas, même si certains pseudo-puristes de mes fesses se branlent sur ce 1er EP rien qu’à la vue de la pochette, soyons francs, il n’y a pas grand-chose de bien intéressant à en tirer.
La basse est déglinguée, les toms de la batterie ont un son affreux, les guitares sonnent comme des coups de cloches,…et ce, malgré une production néanmoins assez bonne. Le groupe possède toutefois la capacité de rejouer ces premières chansons de manière beaucoup plus percutante actuellement sur scène, telles que Burning Spear ou She Is Not Alone (en témoigne le DVD Corporate Ghost).
Un titre se démarque totalement du reste, c’est le très sombre I Dreamed I Dream où l’atmosphère oppressante et l’entremêlement mystérieux des lignes basse-guitares montrent un certain avant-gardisme sur la noise et le post-rock à venir. C’est d’ailleurs la seule chanson de ce EP qui figure sur l’excellente compilation Screaming Fields Of Sonic Love, sortit en 1995.


1983: Confusion Is Sex

-Sortie en février 1983 sur Neutral Records.

Pour ce premier album, Sonic Youth modifie brutalement sa trajectoire vers un univers obscure et angoissant, qui perdurera d’ailleurs à peu près jusqu’en 1986. Confusion Is Sex est certainement ce que le groupe a pu nous balancer de plus sombre. C’est donc à prendre avec des pincettes mais cet album mérite que l’on y jette un œil pour mieux se rendre compte de la noirceur de l’ensemble: artwork, textes et musique. D’entrée de jeu, on est pris dans cette atmosphère hypnotique (She’s In A Bad Mood, Protect Me You,…), mais il faut quand même avoir le cœur bien accroché car certaines sonorités ne sont pas facile d’accès, et peuvent rappeller ce que l’on entend sur le premier EP (Shaking Hell, Confusion Is Next,…). Et je ne parle pas de Lee Is Free
A noter dans ce disque une reprise bien noisy du I Wanna Be Your Dog des Stooges bien puissante mais au son approximatif du fait d’une prise Live, et Making The Nature Scene; où Kim Gordon s’égosille sur un martèlement des toms et une basse cradingue.
Ces 2 chansons sont d’ailleurs les seules de l’album avec Bob Bert derrière les fûts, le reste créditant un dénommé Jim Sclavunos.



1985: Bad Moon Rising

-Sortie en mars 1985 sur Homestead Records.

Là, quelque chose se dessine enfin.
L’ambiance est presque toute aussi glauque que Confusion Is Sex mais Bad Moon Rising est mieux aménagé et présente des structures plus abouties et abordables. Il semble y avoir plus de maturité, les new-yorkais ont l’air de mieux connaître où ils veulent allés et donnent une réelle texture à leur son car on peut en effet commencer à apprécier le fait que les guitares puissent sonner comme…des guitares !
Angoisse et tension apocalyptique, l’ensemble est terrifiant même si on peut identifier des signes de mélodies fragiles et de calmes apparents (L’intro, Brave Men Run, Halloween) au beau milieu des signaux de détresse émis par les amplis.
Les paroles sont trashs et provocantes, significatives de la haine d’une bonne partie de la scène Underground contre la puanteur dégagée par les années Reagan (Society Is A Hole, I’m Insane, Justice Is Might,…).
On peut découvrir dans cet album pas mal de pépites définissant les bases du Noise tel que le très noir Flower, la cavalcade Punk Death Valley ‘69 (en duo avec la grognasse Lydia Lunch), ou encore Halloween, idéal pour un cortège funèbre.
On est évidemment loin de ce que Sonic Youth nous pond en ce début de 21ème siècle, mais Bad Moon Rising est de loin préférable à Confusion Is Sex, donc si vous voulez taper dans le plus obscur du groupe, commencez en 1985. Une vénération pour les die-hard fans.





1986: EVOL

-Sortie en mai 1986 sur SST Records.

EVOL ( Love à l’envers, ce qui donne en prononçant « Evil » vous saisissez ? Ah ah ) arrive un an après et le disque s’inscrit dans la continuité de l’épuration entrepris sur Bad Moon Rising, à savoir encore plus de structures pop au milieu d’un paysage bruitiste contrôlé.
C’est également l’arrivée de l’ancien Crucifucks Steve Shelley à la batterie, celui que l’on peut considérer comme LE batteur de Sonic Youth à part entière pour la simple et bonne raison qu’il a donné sa frappe sur les albums cultes, et qu’il est encore présent aux côtés de ses acolytes aujourd’hui.
EVOL possède un ensemble encore plus accessible donc, avec des compos éclairées comme Tom Violence ou Star Power rappelant les années 80 du fait de cette résonnance particulière des instruments, même si le groupe n’en décroche pas moins de son atmosphère sombre. Là où Bad Moon Rising paraissait ardent, EVOL se présente plutôt lui comme un disque au groove froid, lorgnant vers le mélancolique (Shadow Of A Doubt ; Secret Girl ).
Sur la fin, on trouve l’excellent et lancinant Expressway To Your Skull, où Thurston nous invite à venir tuer de jeunes californiennes, avant de nous abandonner sur un calme lugubre…Cette chanson (adulée par Neil Young lui-même à l’époque !) est un des premiers grands succès de Sonic Youth.
Cet album, en dépit qu’il ne soit pas des plus joyeux, dégage un tout de même un certain malaise agréable à l’écoute, et propose de nouvelles variations sur les transitions et l’ossature des morceaux.


1987: Sister

-Sortie en juin 1987 sur SST Records.

Avant la grande trilogie magique (Daydream Nation - Goo - Dirty), il ne faut pas oublier qu’il existe l’imposant Sister, parfaite introduction à l’album de la bougie. Il possède les éléments qui font le succès du Daydream, avec un peu moins de puissance et encore quelques traces languissantes d’EVOL, ( Beauty Lies In The Eye ; Cotton Crown et son duo vocal Gordon-Moore) mais la dynamique et l’urgence sont là, en témoignent le génial Catholic Block, Stereo Sanctity, White Cross,…qui alternent avec les belliqueuses ballades Tuff Gnarl, Schizophrenia (voir la version live excellente de celle-ci dans le documentaire vidéo 1991:The Year Punk Broke.)
Ce disque montre un Sonic Youth en forme, réussissant le pari de mélanger habilement passages pop mélodieux et déconstructions sonores.
Thurston Moore affirmera par ailleurs plus tard qu’avec ce disque, ils ont atteint un point de non-retour.
Vivement conseillé de se le procurer !

1988: Daydream Nation

-Sortie en octobre 1988 sur Enigma Records.

Un disque monumental ! Rien que d’entrée de jeu avec Teenage Riot, un hymne pour la génération X de l‘époque, suivis des brûlots noisy-punk poussés à 100 à l’heure: Silver Rocket, ‘Cross The Breeze, Rain King,…
Thurston Moore martyrise sa guitare à coups de baguettes de batterie sur le génial Eric’s Trip où Lee Ranaldo y libère son « Fucking The Future ! » (salvateur en concert) et il y a aussi le mythique Hey Joni où cette fois-ci, Lee nous conseille d’oublier le passé et de foutre le merdier. Respectons sa volonté.
Le groupe se donne à quelques passages atmosphériques superbes  (la fin de The Sprawl, l’interlude Providence, les intros de Candle et ’Cross The Breeze,…) mais l’ensemble est taillé dans l’urgence, comme en attestent la meurtrière trilogie finale: The Wonder-Hyperstation-Eliminator Jr ou se mêlent riffs directs, montées en puissance et explosions de larsens.
Daydream Nation demeure tellement important que Sonic Youth sera contacté 20 ans plus tard par une fac de musicologie américaine pour annoncer que cet opus sera enseigné en tant que référence ce qui, ironie du sort, va à l’encontre de la haine des institutions prôné par les textes du disque !
C’est avec ce chef-d’oeuvre que la formation atteindra le début de son apogée, une apogée qui sera connectée à la vague  « Grunge » de la fin des années 80-début des années 90.
Accessoirement, ce fût l’un des albums de chevet de Kurt Cobain.



1990: Goo

-Sortie le 26 juin 1990 sur DGC Records.

Le groupe sort des années 80 en signant pour la première fois sur une major: Geffen Records.
Ce disque, considéré par beaucoup comme un album de transition, est aussi marquant que Daydream Nation et s’inscrit dans la poursuite du succès, avec de vraies bombes telles que Dirty Boots ; Kool Thing où apparait Chuck D de Public Enemy (très rare à l’époque de croiser un rappeur sur un disque de rock!) ;  Mote et son final de larsens ; Mildred Pierce ;…
Ces pépites montrent un nouveau style plus simple, plus rentre-dedans, aux riffs tubesques et incisifs, une vraie décharge d’électricité d’un bout à l’autre, parsemés de morceaux aux allures plus nocturnes et ambiants mais pas dénués de qualité ( Tunic ; Disappearer ; Cinderella’s Big Score ;…).
Goo possède également la particularité d’avoir un clip pour chacune des 11 chansons, où Thurston et sa bande se louent les services Richard Kern, Tamra Davis, Phil Morrison,…afin de mettre sur pieds des vidéos de shows dans des clubs souterrains où se balladent premiers t-shirts Nirvana, des délires en aparté de Kim avec Mike Watt (ex Minutemen et actuellement bassiste des Stooges réunifié) et Joe Cole (ex-roadie de Black Flag et du Rollins Band, ami d’Henry Rollins), la folie de Sophia Coppola en plein Las Vegas,…



1992: Dirty

-Sortie le 21 juillet 1992 sur DGC Records.

En dépit des 2 albums prolifiques enregistrés précédemment, le groupe trouve le moyen de taper encore plus fort en accouchant de Dirty; la mouture qui demeure en général la plus accessible de Sonic Youth.
En plein tourbillon médiatique de la vague dite « Grunge », Dirty ne possède de sale que le nom. En effet, ça flirte léger avec le commercial (sans inspirer méfiance, le buzz ne sera pas de la taille du Nevermind de Nirvana !), l’artwork donne dans le gentil avec ce portrait d’une peluche orange toute mimi, et la production de l’album est très léchée. Soit.
Il n’empêche que c’est réellement une vraie bombe qui enchaîne avec force des chansons du même calibre qu’un Kool Thing, Mildred Pierce ou Teenage Riot tout du long.
La puissance rock/punk ravageuse d’un 100% ; Youth Against Fascism ; Purr ; Chapell Hill tabasse autant que les noisy Swimsuit Issue ; Drunken Butterfly ; Orange Rolls, Angels Spit. Le groupe se permet en plus des envolées hypnotiques maitrisées (On The Strip, JC, Wish Fulfillment) tout en annonçant les prémisses du post-rock à venir (Theresa’s Sound-World).
Sugar Kane laisse un Thurston exprimer fidèlement son amour pour…la canne à sucre, la bande originale du film « La Fin Du Temps » de Peter Hyams l’utilisera ignoblement en 1999, au milieu des autres Korn, Creed et Limp Bizkit…
L’album se clôture sur la tranquille ballade intitulée « Crème Brûlèe », (notez la mignonne petite faute…) et l’on peut se dire après ça que Sonic Youth se trouve à ce moment en pleine possession de ses moyens. Ce n’est pas Stalker, une chanson bonus ajoutée sur la version vinyle, qui fera dire le contraire.
La grande classe.
Idéal pour un premier contact avec le groupe.



1994: Experimental Jet Set, Trash And No Stars

-Sortie le 10 mai 1994 sur DGC Records.

Pour celui-ci, le groupe se brûle très clairement les ailes procurées par Dirty, cet album n’est pas mauvais mais on peut en faire l’impasse. Il y a une nette baisse de qualité et il semble que très peu d’éléments qui faisaient le feu de l’opus précédent n’y aient été réitérés cette fois-ci. C’est bien dommage. Juste quelques traces subsistent ici et là, comme Starfield Road ou In The Mind Of The Bourgeois Reader, mais le disque sonne surtout comme une sorte de post-punk expérimental qui manque à convaincre. Rien que déjà d’entrée de jeu, l’album s’ouvre sur une incipide ballade acoustique, Winner’s Blues, qui ne prend pas vraiment.
Bull In The Heather sera l’unique single extrait de Experimental Jet Set,… , une chanson audacieuse mais qui ne bousculera pas les tubes antérieures du groupe.
Je le répète tout de même: l’album n’est pas mauvais, Screaming Skull ; Self-Obsessed And Sexxee, Skink ou Tokyo Eye sont d’ailleurs assez sympathiques mais on est loin de la transcendance. Et de plus, Lee Ranaldo ne chante aucun morceaux.
Ceci dit, gérer le triple succès Daydream Nation-Goo-Dirty et trouver à se régénérer musicalement alors que le mouvement grunge s‘écroule avec la mort de leur ami Kurt Cobain, ne devait pas être des plus simples pour Sonic Youth. Thurston allait en outre devoir assurer son nouveau statut parental aux côtés de Kim, qui accouchera d’un petite Coco Hayley Moore deux mois après la sortie de l’album.



1995: Washing Machine

-Sortie le 26 septembre 1995 sur DGC Records.

Avec un nom d’album pareil, ne vous inquiétez pas, Sonic Youth ne se lance pas dans l’électroménager !
Il n’empêche que à cette période, le groupe voulait changer de nom car ils estimaient que Youth ne leur correspondait plus, et Washing Machine était présagé. Heureusement, ce sera le titre de l’album.
Pour cet opus, le groupe change de décor et se barre hors de New York, pour s’enfermer de janvier à mai 1995 aux Easley Studios de Memphis. L’air du Tennessee semble donner un résultat plus travaillé, mieux peaufiné. L’inspiration a l’air d’avoir été plus présente
Il faut en tout cas attendre ce disque pour se rendre compte que la bande à Thurston veut évoluer dans un style plus expérimental, et qu’il n’est vraiment plus envisageable d’espérer la même énergie qu’avant. Mais Washing Machine convainc mieux que son prédécesseur et chaque chanson y possède sa personnalité. Alors bon ca ne peut pas forcément plaire à tout le monde et ce n’est pas, selon moi, le meilleur travail de Sonic Youth mais il y a de quoi apprécier de nouvelles perles comme le malsain Junkie’s Promise ou le splendide et lumineux The Diamond Sea. Les morceaux s’aventurent avec succès là où la formation avait l’air d’hésiter à aller sur Experimental Jet Set,…On y décèle une sorte de petite agressivité attrayante sur le titre éponyme Washing Machine et No Queen Blues, Panty Lies, Skip Tracer,…Ainsi que le saisissant Little Trouble Girl et ses 4 chanteuses: Kim Gordon, Lorette Velvette, Melissa Dunn et l’ex-Pixies Kim Deal.



1998: A Thousand Leaves

-Sortie 12 mai 1998 sur DGC Records.

Pour ceux qui apprécient Washing Machine, ils ne faut pas qu’ils hésitent à se procurer A Thousand Leaves, car même si il est moins torturé et plus faible à mon goût, il s’inscrit néanmoins dans la lignée analogue.
L’album possède des petits clins d’œil à la France, déjà le nom du skeud: A Thousand Leaves est une traduction mot à mot de « un mille-feuille », une patisserie bien de chez nous. La froide intro du disque est en français: Contre Le Sexisme, et la sixième chanson se nomme French Tickler ( « embarras français » ?! ).
Ici, l’album alterne le bon et le moins bon. Pour faire simple; le bon sont les compos où Thurston Moore et Lee Ranaldo posent leurs voix, mais je m’avoue assez déçu des performances vocales de Kim Gordon: Female Mechanic Now On Duty ; French Tickler ; The Inefable Me et Heather Angel ne constituent pas ce qu’elle nous a fait de plus emballants. Il est plus facile et logique de préférer les strustures pop-expérimentales d’un Sunday ; Wildfower Soul ; Hoarfrost ; Snare Girl ou le langoureux et super Hits Of Sunshine ( For Allen Ginsberg ), dépassant les 10 minutes.
Dans son ensemble, cet album est plus reposé et plus lent que ce que le groupe nous fait habituellement , et il peut être conseillé de faire le tri dans les morceaux.



2000: NYC Ghosts & Flowers

-Sortie le 16 mai 2000 sur Geffen Records.



Finis les années 90, place à une nouvelle ère avec ce disque froid et étrange.
Au début, on trouve trois chansons qui peuvent être digérées sans trop d’encombres (Free City Rhymes ; Renegade Princess et Nevermind (What Was It Anyway ?) ), mais ça tend globalement vers le troublant, en évitant cependant d’être aussi noir qu’un Confusion Is Sex .
Car NYC Ghosts & Flowers montre plutôt une musique pop-rock expérimental vidée de son sang, en manque intentionnel d’énergie et de dynamisme, comme si le groupe se plaisait volontairement à chercher une distance avec son public…
Les enregistrements récents de Sonic Youth Recordings (label crée par le groupe en 1996, qui leur permet de sortir des disques plus expérimentaux ne pouvant pas paraître sur Geffen.) y sont sûrement pour quelque chose dans ces nouvelles explorations sonores.
Le musicien/producteur chicagoan Jim O’Rourke participe d’ailleurs à l’enregistrement de trois morceaux en jouant de la basse sur Free City Rhymes et Small Flowers Crack Concrete, ainsi qu’en ajoutant des sons électroniques sur le déroutant Side 2 Side et ce déluge de mots dictés par Kim Gordon;
« …coats…windows…explosions…trucks…guitars…bells…posters…scientists…meals…suitcases…ghosts… ».
Brrrr


2002: Murray Street

-Sortie le 25 juin 2002 sur Geffen Records.

« Quand je vois les photos de notre quartier dans les journaux, je n’arrive pas à y croire. Tout est détruit. Ce sera encore plus insoutenable quand nous y retournerons. C’était non seulement notre ville, mais notre quartier. J’étais dans le World Trade Center la veille au soir. Nos enfants jouaient souvent dans les parcs, à l’ombre des tours. C’est là que nous faisions nos courses. Mon fils aîné, Cody, est allé à l’école juste à côté. J’y vis quasiment depuis que je suis arrivé à New York, il y a vingt ans. Je n’imagine pas ce que sera la vie downtown désormais… »
                     
 Lee Ranaldo, Les Inrockuptibles, septembre 2001.

Comme tous les new yorkais, Sonic Youth fût profondément choqué par les attaques terroristes perpétrées contre les tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre 2001. D’autant plus que le studio du groupe, Echo Canyon, est situé en plein cœur de Manhattan, à Murray Street ( vous comprenez le nom du disque maintenant ), près des tours. Les installations électriques y furent touchées.
Chacun des membres décida alors de quitter New York quelques temps, besoin nécessaire et incontestable.
De retour dans « La Grosse Pomme », ils se mettent au travail pour mettre en boîte ce nouvel opus qui s’avère loin d’être un échec et se pose comme l’une des meilleures sorties depuis Dirty.
Des idées audacieuses et une atmosphère plus reposée filtrent au travers de morceaux comme The Empty Page ; Disconnection Notice ou le quasi instrumental Rain On Tin, échappant aux règles de la chanson pop-rock conventionnelle. Les ombres du 11 septembre planent sur le superbe atrabilaire Radical Adults Lick Godhead Style et Karen Revisited avec ses explorations bruitistes finales. Kim Gordon retrouve une efficacité persuadant avec le post-punk Plastic Sun et Sympathy For The Strawberry, lente montée typique du groupe qui débouche non pas sur une explosion de larsens, mais sur une tranquille ballade.
Un disque sympa, où Jim O’Rourke devient par ailleurs temporairement le cinquième membre officiel du groupe.

Comme quoi les épreuves douloureuses peuvent amenées à de bons aboutissements…

Note: La fillette sur la pochette n’est autre que Coco, la fille de Thurston Moore et Kim Gordon.




2004: Sonic Nurse

-Sortie le 8 juin 2004 sur Geffen Records.

Prolongement du travail réalisé sur Murray Street, avec dix chansons qui attestent que Sonic Youth expose avec talent des structures pop hors-normes et entraînantes (Pattern Recognition, Dripping Dream,…) où de vraies pépites orne cet opus avec un Thurston Moore bien inspiré au chant (Unmade Bed ; Stones ; New Hampshire ; …) et une Kim Gordon qui se montre incisive à propos d’une certaine salope sur Mariah Carey And Arthur Doyle And Cream, une provocation qui fait plaisir à retrouver.
Là où Murray Street paraissait comme une approche plutôt tranquille dans les recherches sonores pop-rock, Sonic Nurse est lui plus confirmé et mature dans ce domaine. L’apport de Jim O’Rourke aidant sûrement.
Comme la majorité des disques du groupe, Lee Ranaldo ne s’empare du micro que sur un titre, ici c’est Paper Cuts, une chanson plus mystérieuse et ombragée que le reste de l’album.
Un petit coup de griffe est donné à Bush Jr., président U.S. à ce moment là, avec Peace Attack dont les paroles sont issues d’un poème écrit par Thurston. Mais on peut tirer notre chapeau au magnifique I Love You Golden Blue, calme et lumineux à souhait, où Kim chuchote sensuellement ses mots sur la douce mélodie des guitares.
Sonic Nurse montre donc clairement la nouvelle voie qu’engage la formation depuis 2002, une voie plus fraîche et accessible, possédant un épanouissement artistique qui contraste avec la seconde moitié des années 90.



2006: Rather Ripped

-Sortie le 13 juin 2006 sur Geffen Records.

Que dire de celui-ci…J’avoue que je commence à panner d’inspiration, et ca me pose problème face à un groupe qui est loin d’en manquer, lui ! Car Rather Ripped, derrière cette pochette et ce titre un peu grunge, poursuit en fait gentiment l’agréable lancée pop-rock indé des deux précédents albums. On est même assez éloigné des longues compositions où s’entremêlaient arpèges mélodiques, grosses distos et déluges de larsens, seules le tube Incinerate, Turquoise Boy et Sleepin Around se risquent légèrement à ce jeu. Les new yorkais polissent en général (un peu trop ?) leur son, et se contentent d’enchanter l’auditeur par de plaisantes chansons dépassant rarement les 4 minutes ( Reena ; Do You Believe In Rapture ? ; Lights Out ; The Neutral…).
La fin du disque dévoile selon moi la partie la plus importante avec un Pink Steam aventureux, dégageant une grande intensité, et cette petite perle dissimulé après; Or.
Rather Ripped est clairement une des galettes les plus calme et plus commercial dans la discographie de Sonic Youth, et peut éventuellement se situer en tant qu’un bon point d’accroche pour les amateurs du groupe. C’est aussi un disque où le groupe rejoue à 4 (c’était prévu) après la fin de la collaboration musical de Jim O’Rourke

2009: The Eternal

-Sortie le 9 juin 2009 sur Matador Records.

The Eternal est le dernier album en date, avec un changement de label (eh oui, depuis 1990 qu‘ils étaient quand même chez Geffen !) et l’arrivée d’un nouveau musicien, Mark Ibold (ex-Pavement) au sein de la bande.
Derrière cette artwork d’une peinture de John Fahey, le groupe sort une bonne palette de sons et prouve que Sonic Youth possède, et possèdera toujours une musique à géométrie variable.
Du rapide et pêchu Sacred Trickster au 10 minutes de Massage The History, introduite d’une guitare acoustique et d’une voix frissonante, on se retrouve encore surpris par une nouvelle énergie qui ne laisse pas en plan de bons passages complexes (Anti-Orgasm ; What We Know ; Malibu Gas Station…), ou magnifiquement aérien (Antenna).
Et enfin, il est vraiment appréciable de constater le retour de chaque chant en harmonie les uns avec les autres, et non pas une chanson à chacun tel que ce fût le cas depuis un bon nombre d’années. En témoigne par exemple Anti-Orgasm et ces échanges Moore-Gordon.
Affirmer que The Eternal étonne vraiment par son évolution marquante n’est pas peu dire,
La jeunesse sonique, maintenant quinquagénaire, possède généralement un coup de patte facilement reconnaissable quelque soit l’album, mais elle n’en finira jamais de nous surprendre par sa créativité ainsi que des nouvelles directions qu’elle entreprendra par la suite.


La Floche

1 commentaire:

  1. Excellent dossier sur Sonic Youth mister floche.

    Un fan en chaleur

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